Sortie des cartons : inspiration nocturne

Publié le par LaPtitElo

Pas mal ce texte ecrit à 4 mains il y a 1 an ;)
Merci Fred ! 



LUI > Me voilà assis dans ce petit troquet, un petit bistrot sympa, en bas de chez moi. Une petite mousse et une clope, un stylo et une page blanche.

Je regarde autour de moi et peux ainsi observer le tumulte incessant de l’humanité en mouvement. Et moi, dans un immobilisme total, je vis ce pur moment de plaisir, quais irréel. Dieu que c’est bon … Perdu dans ce pur moment, je ressens un regard, on m’observe, je lève les yeux, et tombe sur ceux d’une belle inconnue. C’est une petite brune pleine de charme, un regard malicieux, un visage d’enfant.

ELLE > Waouhhh … l’agitation des bistrots Parisiens, les après-midi de printemps. J’ai beau y avoir baigné, bossé, pendant des années,  je ne m’y ferais jamais. La serveuse qui court, les gens qui s’agitent, les clients qui tendent le bras … Mon casque vissé sur les oreilles, je peux malgré tout entendre le brouhaha incessant des parisiens énervés. Impossible de lire une ligne au milieu de la fourmilière …

Y’a que le mec, là, avec sa mousse… dans sa bulle. L’air absent, absorbé, ailleurs. Je l’envie… Tiens, il doit se sentir observé, il a levé la tête. L’air mi- amusé, mi- curieux. Sourcil en l’air. Je pose mon livre, rien à faire, j’y arriverai pas aujourd’hui. Je lui rends son sourire …

LUI > Nos regards se croisent, d’abord hésitante, elle me gratifie de ce petit sourire que l’on a parfois, gêné, lorsqu’on se fait prendre à regarder quelqu’un. Mais moi j’aime ça, les personnes qui vous regardent franchement, sans se défiler. C’est donc tout à fait naturellement que je lui rends son sourire.

Elle se replonge dans son bouquin. Je la regarde et mon esprit se met à bouillir, mille et une questions me viennent en tête. Je l’observe, c’est un petit bout de femme, elle semble fragile et forte à la fois. Ce visage d’enfant effronté me fascine, derrière la table, je ne peux pas bien voir son corps, mais ces jambes croisées sont magnifiques. Comment s’appelle-t-elle ?

ELLE > Son sourire s’élargit. Il soutient mon regard. Il joue ? …. Je replonge le nez dans mon bouquin, mais je ne vois pas les mots. Je relève la tête, ses yeux sont toujours sur moi. Et quels yeux ! Je me sens passée aux rayons X. Et toujours cet air un peu interrogateur – qu’est ce qui s’agite derrière ces yeux ?

Qu’est-ce que je fais ? Je me lève ? Je prétends reprendre le cours de ma lecture ? Je me sens piquer un fard, mon esprit divague …

Je reste immobile, seule ma cheville dessine des petits cercles dans l’air. Une inspiration, je relève les yeux. Inutile d’en faire ou d’en dire plus, ils parlent pour moi…

LUI > Mes yeux (toujours rivés sur ce galbe de jambes croisées sublimes) remarquent un petit mouvement circulaire de sa cheville. Serait-elle nerveuse ? A-t-elle remarqué mon intérêt ? Je lève à nouveau les yeux. Elle me regarde, mais cette fois ses yeux ne fuient pas, ce n’est plus ce petit sourire gêné qui s’imprime sur son visage, c’est un sourire sensuel que seule une femme est capable de faire. Je suis troublé, un sentiment difficile à décrire me traverse le corps. Une sensation curieuse, comme un souffle chaud, mais qui vient de l’intérieur. Étrange sensation, mais très agréable au demeurant.

« Garçon ! Pouvez-vous aller à la table de la jeune fille, et lui dire que je lui propose le cocktail de son choix ? Et donnez-lui ce petit papier, je lui ai écrit quelques mots. Merci jeune homme»

ELLE > Ah, il se redresse, il semble se réveiller tout à coup. Un certain trouble chez lui aussi ? Il griffonne quelques mots sur une feuille, interpelle le serveur. L’heure de partir ?

Non ! Pas maintenant. Je sens ma poitrine se soulever. Je voudrais au moins entendre le son de sa voix, une impression, un souvenir. Délicieux, bien que fugace.

Le garçon s’approche de ma table, le petit morceau de papier soigneusement plié dans la main. Il me le tend et balbutie quelques mots incompréhensibles, à propos d’un cocktail et de la table d’en face. Mon mystérieux inconnu me regarde, toujours interrogateur… Mais il y a autre chose dans son regard… Une attente … de l’envie ?

LUI > Petit papier : « veuillez accepter ce cocktail, et pourriez-vous me faire le plaisir de le boire en ma compagnie ? » Le temps se fige, me parait interminable. Elle lève les yeux, me regarde à nouveau, esquisse un sourire, et me dit d’un mouvement de lèvres, OUI

Je la vois se lever, et peux enfin apprécier son corps. Elle est vêtue d’une longue robe noire moulante, de ces robes que l’on dit de cocktail, sans manche, fendue sur le côté jusqu’à hauteur des genoux. Laissant apparaitre ainsi ses jambes superbes. Un corps magnifiquement dessiné par cette tenue. Voilà la belle inconnue se dirigeant vers moi, prête à jouer le jeu de la séduction.

ELLE > Je déplie le petit rectangle blanc… Une invitation à le rejoindre pour un verre. Direct … et charmant. Un ton un peu décalé, inattendu. Je relève la tête, et murmure un Oui qu’il lit sur mes lèvres. À peine levée, je sens son regard me détailler. Me déshabiller plutôt, des pieds à la tête. Troublant. Et excitant. J’avance jusqu’à sa table, m’assoie sur la chaise en face de lui. Et plante mes yeux dans les siens. Sans un mot. Il ne dit rien non plus, j’ai l’impression que cet échange de regard dure des heures. Qui va briser le silence ? Je me lance ? Je choisis de détourner le sujet … A voix haute et claire : « Bloody Mary »

 

LUI > Elle est assise en face de moi, ne dit rien, me regarde fixement, effrontée, sûre d'elle. Un silence pesant s'installe, lourd, je sens les battements de mon cœur imprimer la cadence du temps qui passe: boum boum, boum boum, boum... Et la une petite voix intérieur me parle : "mon gars, tu l’as voulu, maintenant elle est là"

Madame votre cocktail, la voix du serveur venait de déchirer le silence, et me donnait l’occasion de pouvoir prendre le relais.

« Mademoiselle, puis je me permettre une question? Je ne vous ai jamais vu ici, et pourtant je viens ici tous les jours, nouvelle dans le quartier ? ... »

ELLE > Non, il a osé ... Le coup de vous venez ici souvent ?  Plus intimidé qu'il n'y paraît peut-être ? En tous cas, là, il a l'air plutôt embarrassé....

Il faut avouer que je ne l'aide pas beaucoup... À part scruter chaque détail de son visage... Ses yeux... Ses mâchoires cachées par une barbe de quelques jours.... Ses lèvres... Il a le même piercing à l'arcade que moi à une époque.... Il se dégage un certain mystère de ce mec, je ne sais pas d'où ça vient...

LUI > Après ces quelques phrases échangées, je me rends compte que tous ces mots n’ont aucun sens. Je me décide à poser mon doigt sur sa bouche, et lui murmure chut …

L’embarras qui voulait s’insinuer entre nous s’évapore aussitôt. Son visage d’enfant fait place à celui d’une femme, parfaitement consciente de ce qui se passe. Elle me regarde droit dans les yeux, je lui prends la main et dessine quelques lettres dans le creux de sa paume : « JE VOUS VEUX »

ELLE > Pourquoi ressent-on toujours le besoin de meubler les silences ? On échange des banalités, pas du tout en phase avec l’instant. Tiens, un petit éclair vient de passer dans ses yeux. Il lève la main, pose son doigt sur mes lèvres. Et les siennes murmurent … chhhhhhh …. Un long frisson me parcourt de la tête aux pieds. Mon esprit fuse, des dizaines d’images se succèdent dans ma tête. Il prend ma main, y dessine quelques lettres. Le feu me monte aux joues. Ai-je bien compris ? Je relève la tête, un peu confuse, amusée aussi, l’embarras que j’avais lu il y a quelques minutes dans ces yeux a disparu. Au contraire, je suis en face d’un homme sûr de lui, déterminé… et au désir presque palpable. Je ressens comme une envolée de papillons dans le bas de mon ventre et laisse s’échapper un petit soupir. Je savoure ce moment qui me rappelle une citation de Clémenceau : le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte les escaliers.

LUI > « Je vous veux » mais que m’arrive-t-il ? Suis-je fou? Que va-t-elle penser? Elle lève les yeux, me regarde et laisse échapper un petit soupir. Je balaie d'un seul revers toutes ces pensées dictées par la bien séance, toutes ces pensées que l'on nous inculque de notre naissance à notre mort. Le dictat de notre société, qui nous juge, et nous enferme dans sa notion du bien et du mal. Je ne veux pas, je ne veux plus, pas aujourd'hui, pas cette après-midi, pas maintenant. Je me redresse de ma chaise, me penche vers elle, et lui murmure à l’oreille : « ne dites plus un mot, levez-vous et acceptez de me suivre... » À la fin de mon dernier mot, j’effleure son cou du bout du nez, respire son odeur....

ELLE > Ce silence... « Je vous veux » … Si je suivais mon instinct, je me pencherais vers lui et lui répondrais que les cartes sont entre ses mains. Après quelques secondes, qui me paraissent une éternité, il s’approche de moi, par-dessus la table et dans le creux de mon oreille, murmure « Ne dites plus un mot, levez-vous et acceptez de me suivre ». Quel aplomb ! Cette phrase, totalement inattendue, ne fait qu’accentuer mon trouble. Je sens une nouvelle vague de chaleur me submerger. Furtivement, son nez effleure mon cou, provoquant un nouveau frisson. Je suis vaincue, je n’ai qu’une envie : céder à la tentation, céder à sa volonté et m’abandonner à lui. Il se lève, contourne la table et me tend la main. Je le suis sans même y réfléchir. Il m’entraine vers la sortie, sans hâte, comme une évidence.

LUI > Une odeur subtile de parfum vient caresser mes sens, je me lève, lui prends la main, et quitte le bar. Nous nous dirigeons vers les quais. Elle me suit, comme convenu elle ne dit pas un mot, ses grand yeux posés sur moi. Il n y a pas de la gêne dans son regard, plutôt une sorte de sérénité. Je pense qu'à cet instant elle sait juste qu'elle se trouve au bon endroit, comme une évidence. Elle a accepté de suivre cet homme, sans dire un mot, elle sait au fond d’elle qu’il sera son maître durant la prochaine heure. Elle a un peu honte à cette idée d’être soumise de la sorte, mais curieusement elle aime le sentiment animal que provoque la situation...

ELLE > Je me laisse guider sans réfléchir, sans un mot, le long des quais. Ça ne me ressemble tellement pas ! Suivre un inconnu, m’abandonner de la sorte, moi, la femme de tête… C’est à la fois un peu perturbant et très … relaxant. Lâcher les brides, accepter de perdre le contrôle, se laisser porter uniquement par l’envie, l’instinct du moment … Une libération de l’esprit, une respiration … Lui est serein, toujours sûr de lui. Un peu sauvage. À ce moment précis, j’ai le sentiment qu’il pourrait faire de moi tout ce qu’il veut. Et que j’en demanderais encore.

LUI > Nous voilà déambulant le long des quais, je lui tiens la main, nous sommes comme deux amants, fuyant le tumulte de la ville. Arrivés devant ma porte, un code, puis un couloir étroit, obligeant nos corps à se frôler. Un frisson me parcourt, pourquoi cette femme me fait-elle tant d’effet ? Nous montons les escaliers et sommes enfin devant ma porte, j’y introduis les clefs.

Je te jette un dernier regard, à ce moment tu sais que tu peux encore t’en aller. Tu me regardes, fermes les yeux, et tes lèvres se posent délicatement sur les miennes. Ta façon silencieuse de me dire : Ouvre la porte ... Le cliquetis de la serrure déchire le silence, mais nous fait frémir, il annonce à lui seul le moment que nous désirons tous les deux, le plaisir de la chair dans sa plus simple et plus belle expression. Deux corps, deux âmes, prêts à s’unir, un seul tableau, celui de l’extase, de la jouissance...

ELLE > Après quelques pas, nous entrons dans un de ces anciens immeubles, si parisiens. Quelques marches, et nous voilà devant ce que j’imagine être chez toi. Alors que tu t’apprêtes à ouvrir la porte, tu marques un temps d’arrêt, tes yeux semblent me demander

« Tu es sûre ? ». Je me hisse sur la pointe des pieds pour t’embrasser, oui, je suis sûre. Tu ouvres enfin, m’entraines à l’intérieur, puis repousses la porte d’un geste hâtif.

Je retrouve vite tes lèvres, mais ce baiser n’a rien à voir avec celui échangé à peine quelques secondes plus tôt ; il est fougueux, révèle le désir contenu depuis que nous avons échangé notre premier regard, et qui peut enfin s’exprimer. Tout entre nous, nos gestes, nos baisers, nos respirations haletantes sont à l’unisson. Bientôt, nos corps libérés de leurs enveloppes artificielles se rencontreront, et entameront leur propre dialogue. Pour la première fois depuis que tu as posé ton doigt sur ma bouche, je me décide à rompre mon silence … Mes yeux dans tes yeux, mes mains sur ta nuque.... « Maintenant »

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